
Les architectures décisionnelles traditionnelles (SID legacy) ont indéniablement atteint leurs limites.
Les équipes data doivent désormais orchestrer des flux massifs, issus de sources toujours plus nombreuses, dans des environnements hybrides ou multi-cloud tout en garantissant des temps de traitement toujours plus courts.
À cette complexité technique s’ajoute une pression réglementaire croissante : au-delà du RGPD, les textes européens comme le Data Act et l’AI Act imposent une traçabilité complète des données, de leur origine à leur usage en passant par chaque étape de transformation.
Dans ce contexte, la gouvernance des données ne peut plus être une surcouche. Elle doit devenir un composant central de l’architecture data moderne : intégrée, automatisée, et alignée sur les usages métiers comme sur les exigences de conformité.
Comment réussir cette bascule vers une gouvernance data fédérée, adaptée aux environnements cloud distribués et aux impératifs de souveraineté ? Smartpoint, ESN experte en IA et en ingénierie de la donnée, vous livre ici sa lecture des fondations d’une gouvernance data moderne à l’ère du multi-cloud.
Selon Mordor Intelligence, le marché de la gouvernance des données va plus que doubler entre 2025 et 2030. Ce chiffre illustre une réalité : la gouvernance data n’est plus une fonction de contrôle, mais un levier structurant de performance et de conformité dans des environnements multi-cloud, découplés et de plus en plus régulés.
Du modèle centralisé à l’architecture fédérée
Historiquement, la gouvernance des données reposait sur un modèle centralisé avec un SI décisionnel unique piloté par l’IT, où les données étaient collectées, transformées, contrôlées et diffusées depuis un data warehouse ou un data lake administré de manière verticale.
Ce modèle a clairement des avantages comme l’unification des règles, la maîtrise des flux et une supervision centralisée… mais il n’est plus applicable :
- Les données ne sont plus stockées au même endroit, ni produites par les mêmes équipes
- Alors que la culture data infuse les métiers, les besoins fusent avec une exigence forte de time-to-data
- La gouvernance ne peut plus suivre car elle reste trop en amont, trop IT-centrix, trop lente.
Pour les architectes data comme pour les responsables BI, adopter une architecture data distribuée pilotée par les domaines mais orchestrée à l’échelle de l’organisation s’impose.
Luc Doladille, Directeur Conseil, Smartpoint
Dans ce modèle inspiré des principes du Data Mesh, chaque domaine métier devient producteur responsable de ses propres jeux de données avec des engagements pris sur la qualité, la documentation, les SLA et la traçabilité.
📌 Sur le même sujet « Le Data Mesh, la réponse aux limites des architectures data traditionnelles en 4 piliers fondateurs »
La gouvernance data n’a pas disparu, elle change de forme. Elle devient fédérée, c’est-à-dire partagée, encadrée par des standards, supportée par des outils transverses (data catalog, politiques de sécurité, plateforme self-service) maiss exécutée dans les domaines producteurs, au plus près des pipelines et des usage
2. Les fondations d’une gouvernance data moderne à l’ère du multi-cloud
Une gouvernance des données efficace dans un environnement distribué ne repose plus sur des contrôles centralisés mais sur un ensemble de composants coordonnés, capables de garantir à la fois agilité, conformité et qualité de la donnée. Dans un écosystème multi-cloud, hybride où les données sont produites par des domaines métiers autonomes, ces fondations sont à la fois techniques, organisationnelles et opérationnelles.
2.1. Des rôles bien définis dans un cadre distribué
- Data Owners, Domain Owners, Data Stewards : chacun doit connaître son périmètre, ses responsabilités et ses obligations vis-à-vis de la donnée.
- La gouvernance n’est plus portée par une équipe centrale unique mais répartie selon une logique domain-driven.
- Les équipes métiers sont responsables de la qualité, de la documentation et de la traçabilité de leurs “data products”.
Smartpoint recommande la formalisation claire des rôles, appuyée par des chartes de gouvernance et des cadres de responsabilisation contractuels (SLA, politiques de qualité, règles de sécurité).
2.2. Un socle d’outils transverse pour aligner et orchestrer
Dans un environnement distribué, la gouvernance ne peut malheureusement pas s’appuyer sur un outil unique ni sur une solution centralisée … ce qui complique le tout.
Il faut centraliser la connaissance sur les données sans centraliser les données elles-mêmes !
Orchestrer une gouvernance data dans une architecture distribuée demande donc de composer une stack outillée en approche best-of-breed ; c’est à dire en sélectionnant les meilleures briques technologiques selon les besoins spécifiques : catalogage, traçabilité, gestion des accès, documentation, qualité, monitoring, SLA…
Les briques de la gouvernance des données à assembler :
- Data Catalogs pour référencer et exposer les données disponibles (Collibra, Atlan, Azure Purview, Informatica Axon…)
- Data Lineage pour tracer les transformations, du sourcing à la consommation (ex. : Informatica, DataHub, OpenMetadata)
- Portails de documentation et glossaires métiers pour formaliser le patrimoine data partagé
- Mécanismes d’accès sécurisés selon les les rôles, intégrant les règles de souveraineté et de confidentialité
- SLA automatisés / Quality contracts via des solutions comme dbt, Soda, Monte Carlo (…) pour monitorer la qualité, la fraîcheur ou la disponibilité des data products
Une approche best-of-breed incontournable
Aucun outil unique ne permet aujourd’hui de couvrir l’ensemble des besoins d’une gouvernance data moderne dans un modèle Data Mesh ou multi-cloud.
Il est nécessaire d’assembler des composants spécialisés tout en assurant leur interopérabilité et leur intégration dans l’architecture data existante.
L’enjeu n’est pas d’acheter un outil de plus mais de construire un socle de data governance cohérent et aligné avec la réalité technique et organisationnelle de l’entreprise.
2.3. Une gouvernance alignée sur les exigences de conformité et de souveraineté
Le RGPD reste un cadre structurant pour la gouvernance des données en Europe mais il n’est plus le seul à imposer des exigences fortes. En 2025, des textes comme le Data Act ou l’AI Act récemment adoptés par l’Union européenne, introduisent de nouvelles obligations en matière de transparence, documentation, accessibilité et auditabilité des données et des traitements. À cela s’ajoutent des contraintes sectorielles spécifiques : HDS dans la santé, PCI-DSS dans la finance, ISO/IEC 27001 dans les environnements sensibles qui exigent une maîtrise rigoureuse du cycle de vie de la donnée.
Ces exigences règlementaires impliquent concrètement au niveau de la gouvernance des données :
- Gérer la localisation géographique des données (cloud souverain, hébergement certifié, interdiction de transferts non encadrés)
- Assurer une traçabilité complète des transformations de données y compris dans les chaînes automatisées (pipelines, IA, ETL/ELT)
- Documenter les bases légales de traitement, les consentements et les finalités de chaque usage
- Piloter les droits d’usage (lecture, écriture, partage, export) en fonction des rôles, des statuts et des contextes réglementaires.
Dans un modèle distribué de type Data Mesh, où chaque domaine est responsable de ses données, ces exigences ne peuvent pas être imposées depuis une fonction centrale. La conformité doit être intégrée nativement dans les flux métiers, à travers des mécanismes automatiques de traçabilité, de validation, de gouvernance des accès et de documentation des traitements.
La gouvernance ne se limite plus à garantir la qualité des données : elle devient une condition de conformité, de sécurité juridique et de souveraineté numérique.
Dans les environnements cloud distribués, cette gouvernance doit être pensée “by design” et non vérifiée a posteriori sous forme d’audit ou de cartographie figée.
2.4.Une gouvernance pilotée par la donnée et non par les processus
La data gouvernance moderne ne se limite pas à poser des règles ou à publier un référentiel : elle doit être mesurée, suivie, pilotée comme toute fonction stratégique du SI. Pour créer de la confiance autour de la donnée, il faut démontrer sa qualité, sa traçabilité, sa disponibilité mais aussi sa valeur d’usage.
Les indicateurs clés de la gouvernance des données
- Qualité de données (DQM) : taux de complétude, fraîcheur, cohérence inter-systèmes, fréquence d’anomalies remontées…
- Disponibilité et performance : respect des SLA de mise à disposition des data products, temps d’accès, volumétrie servie…
- Usage : taux de réutilisation, nombre de vues / extractions, requêtes actives sur un domaine ou une table…
- Documentation / traçabilité : pourcentage de champs documentés, sources renseignées, parcours de transformation lisible…
- Conformité : présence du fondement légal de traitement, gestion des consentements, taux d’accès non conforme détecté…
Ces métriques doivent être exposées, analysées et partagées dans l’organisation ; non pas pour sanctionner mais pour responsabiliser les producteurs et valoriser les bonnes pratiques. Sans mesure, la gouvernance reste déclarative. Avec des indicateurs pertinents et partagés, elle devient un levier d’amélioration continue et un facteur de confiance dans les architectures data modernes.
Elles permettent aussi :
- Aux DSI de prioriser les efforts (outillage, industrialisation, acculturation) sur les domaines critiques
- Aux métiers de visualiser la valeur créée par leur production de données
- À la gouvernance d’évoluer vers un cadre de performance … et non de contrôle

Mettre en œuvre une gouvernance data fédérée ? Entre vision cible et réalité terrain
Retour d’expérience Smartpoint
Si le modèle de gouvernance fédérée, inspiré du Data Mesh, semble être un impondérable ; sa mise en œuvre concrète n’est pas simple dans de nombreuses entreprises que nous avons accompagné.
Voici les freins les plus fréquemment rencontrés sur le terrain par nos architectes data et consultants data governance.
1. Des métiers encore peu préparés à endosser le rôle de data owner
- Culture encore très “consommatrice” de la donnée, peu tournée vers la production ou la responsabilisation.
- Manque de temps, de formation et d’indicateurs pour assurer le suivi qualité, la traçabilité ou les SLA sur leurs jeux de données.
- Résultat : les rôles clés (data owner, domain owner) existent dans l’organigramme mais sont peu incarnés dans les faits.
2. Des DSI « en transit » vers un rôle de facilitateur
- Passer d’un modèle de gouvernance centralisée à un modèle “platform as a service” demande une transformation en profondeur de l’organisation IT.
- Cette évolution est souvent freinée par des réflexes pavloviens, des contraintes de sécurité ou une absence de cadre clair de fédération.
3. Des outils puissants mais parfois déconnectés des usages
- L’adoption d’outils de gouvernance (Collibra, Informatica, Atlan…) est parfois perçue comme une surcouche lourde et déconnectée du quotidien.
- À l’inverse, des stacks plus flexibles (dbt, DataHub,…) nécessitent des compétences pointues et une vraie capacité à industrialiser les process.
4. Une gouvernance qui reste trop souvent théorique
Le risque ? Une illusion de conformité sans impact réel sur la fiabilité ou la réutilisabilité des données.
Sans réels indicateurs de pilotage (qualité, usage, documentation), sans sponsoring fort, la gouvernance se résume trop souvent des documents figés ou des catalogues non maintenus.
3. Gouvernance data distribuée : construire une trajectoire réaliste et pilotable
Le passage d’une gouvernance data centralisée à un modèle fédéré, inspiré du Data Mesh, s’impose face à la complexité des architectures data modernes, au foisonnement des sources de données et à la pression réglementaire croissante. Mais cette transition doit s’appuyer sur une trajectoire pragmatique pour réussir, adaptée à la maturité réelle de l’organisation, à ses contraintes SI, et à la capacité des équipes, IT comme métiers, à s’approprier les nouveaux rôles (et les outils !).
Une gouvernance des données efficace dans un environnement cloud distribué n’est ni totalement centralisée, ni totalement décentralisée. Elle repose sur un équilibre parfois fragile entre autonomie locale et cohérence globale, orchestré par l’architecture data et porté par une culture de la responsabilité partagée.
Luc Doladille, Directeur Conseil, Smartpoint
Ce que recommande Smartpoint
En tant qu’ESN spécialisée en IA, Data et gouvernance, Smartpoint accompagne les DSI dans la construction de modèles de gouvernance distribuée réalistes, outillés, mesurables et surtout pérennes dans le temps. Notre approche repose sur trois principes :
- La gouvernance n’est pas un outil, mais une architecture organisationnelle à faire évoluer avec la donnée.
- Les métiers doivent être engagés sans être livrés à eux-mêmes via des cadres clairs et des indicateurs actionnables.
- Le choix des outils doit rester agnostique centré sur les besoins de traitement, de pilotage et de conformité … et non dicté par le buzz ou par les éditeurs.
Vous souhaitez réaliser un diagnostic de maturité de votre gouvernance actuelle ? Vous voulez définir une trajectoire adaptée à votre SI et vos enjeux métiers ? Vous cherchez à identifier et à intégrer les outils les plus pertinents dans votre stack existante ?
Contactez nos experts Data & IA pour cadrer, tester et mettre en œuvre une gouvernance fédérée sur mesure, à votre rythme … mais dans la bonne direction.
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Tout savoir – Gouvernance des données cloud
Qu’est-ce qu’une gouvernance data fédérée ?
Une gouvernance data fédérée repose sur une répartition des responsabilités entre les différents domaines de l’organisation. Chaque équipe métier est responsable de ses propres données (data ownership), tout en respectant des règles communes, partagées et outillées au niveau transverse (catalogue, sécurité, qualité…).
Le Data Mesh est-il une architecture ou un modèle de gouvernance ?
Le Data Mesh est avant tout un modèle d’organisation et de gouvernance de la donnée, fondé sur quatre principes clés : responsabilité des domaines, “data as a product”, plateforme en libre-service, et gouvernance fédérée. Il n’est pas une architecture technique, mais il impacte directement l’architecture data.
Quels outils sont nécessaires pour une gouvernance data distribuée ?
Il n’existe pas d’outil unique. Il faut composer une stack en mode best-of-breed :
- Data catalogs (Collibra, Atlan…)
- Lineage & documentation (DataHub, OpenMetadata…)
- Qualité et SLA (dbt, Soda…)
- Portails d’accès et politiques de sécurité
Ces briques doivent être intégrées à l’architecture data existante.
Comment intégrer la conformité RGPD, Data Act et AI Act dans la gouvernance ?
La conformité doit être intégrée nativement dans les processus de traitement des données. Cela implique :
- La traçabilité des transformations
- La gestion des consentements
- Le contrôle des droits d’usage
- La localisation des données
Une gouvernance moderne doit être pensée “by design”, pas vérifiée a posteriori.
Pourquoi la gouvernance des données est-elle un enjeu stratégique pour les DSI ?
Parce qu’elle conditionne :
- La fiabilité des traitements analytiques et IA
- Le respect des réglementations
- La qualité des décisions métier
- Et la valeur des plateformes data
Dans un SI moderne, la gouvernance est un levier de performance autant que de conformité.
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